Le dirigeant, qui omet sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, doit être condamné à une interdiction de gérer, mais il ne peut être condamné pour insuffisance d’actif en raison de l'insuffisance des apports consentis à la société lors de sa constitution car cela n'est pas en soi une faute de gestion.Un juge-commissaire a autorisé la cession d'un fonds de commerce de librairie au profit de M. N. "ou de toute personne physique ou morale qui s'y substituerait, dont il resterait solidaire des engagements". Le 11 février 2014, jour de l'entrée en jouissance dans les locaux, a été créée la société N., dirigée par M. N., ayant pour objet social l'exploitation d'un fonds de commerce de distribution de tous produits culturels et de loisirs.Le 1er avril 2014, le bailleur a délivré à M. N. un commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre des loyers impayés de mars et avril 2014. La société N. a été mise en liquidation judiciaire.Le liquidateur a assigné M. N. afin de le voir condamner à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société N. et à une mesure d'interdiction de gérer. La cour d'appel de Limoges a prononcé à l'égard de M. N. une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de dix ans.D'abord, l'arrêt a constaté que le bailleur a délivré à M. N. un commandement de payer visant la clause résolutoire dès le 1er avril 2014, qu'entre les mois de février et octobre 2014, la dette de loyers de la société nouvelle a augmenté jusqu'à atteindre la somme de 26.428,57 €, et que cette dette a abouti au constat de la résiliation du bail et à l'expulsion par une ordonnance de référé du 10 juillet 2014.Ensuite, il a relevé que bien que la date de cessation des paiements ait été reportée au 1er avril 2014, M. N. n'a déclaré cette cessation que le 30 octobre 2014 et que l'intéressé a rencontré le "même type de difficultés" pour l'exploitation de fonds de commerce à Bergerac et Bordeaux. Enfin, l'arrêt a retenu que M. N. ne peut invoquer la désignation d'un administrateur ad hoc par une ordonnance du 26 septembre 2014, dès lors que cette désignation avait pour but de rechercher une conciliation entre les différentes parties au vu des difficultés sociales, juridiques et financières que rencontrait la société N., et non de faire face à la cessation des paiements, la déclaration de celle-ci étant une obligation légale. Dans un arrêt du 17 juin 2020 (pourvoi n° 19-10.341), la Cour de cassation rejette le pourvoi de M. N. sur ce point.Elle estime que, par ces constatations et appréciations, desquelles il ressort que M. N. ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements de la société N., la cour d'appel, qui a caractérisé que ce dirigeant avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, a pu prononcer contre lui une interdiction de gérer. Par ailleurs, M. N. fait grief à l'arrêt de le condamner à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société.La cour d'appel de Limoges a retenu que la rapidité de la cessation des paiements intervenue dès le 1er avril 2014, seulement un mois et demi après l'entrée en jouissance du 11 février 2014, démontre que cette société ne disposait pas, dès l'origine, de la capacité financière suffisante pour faire face aux échéances de charges inéluctables, telles que les loyers et salaires, et que les apports extérieurs reçus par la société à compter du mois de mai 2014 et jusqu'en décembre 2014, manifestent l'absence de fonds propres et l'insuffisance de la trésorerie de cette société pour faire face aux charges courantes, et ce dès le début de l'exploitation.La Cour de cassation casse l'arrêt sur ce point. Elle considère que la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce en statuant ainsi, alors que l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas en soi une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre.