Le tribunal de commerce de Paris condamne Google à verser plus d’un million d’euros à un service de renseignements téléphoniques pour abus de position dominante ayant entrainé un préjudice direct du fait d’une interruption d’activité et de la perte de marge qui en a résulté.La société O. est un service de renseignements téléphoniques qui dispose de deux numéros en 118 attribués par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep).A partir d’octobre 2018, la société O. a utilisé le service de Google Ads, service de vente d’espace publicitaire qui offre aux annonceurs la possibilité d’afficher des publicités sur le site du moteur de recherche de Google.En décembre 2018, la société O. a été informée que la diffusion de l’ensemble de ses annonces Google Ads était suspendue par Google avec le motif "refusé pour vente d’objet gratuit". A partir de cette date et jusqu’en février 2020, Google a refusé des annonces puis suspendu certains comptes ouverts par la société O. pour des motifs que celle-ci a considéré injustifiés.En mars 2020, une modification des conditions générales Google Ads, notifiée 6 mois plus tôt, entre en vigueur et interdit aux annonceurs de renseignements téléphoniques l’accès au service Google ads. Google a annoncé qu’elle ne diffuserait plus au niveau mondial de publicités pour les services de renseignements téléphoniques, de transfert et d’enregistrement d’appels. Cette décision était motivée par des abus récurrents d’opérateurs du secteur des numéros en 118 surtaxés (qui ont remplacé l’ancien "12"), dont les pratiques ont suscité de nombreuses plaintes de consommateurs et des enquêtes de la DGCCRF et d’UFC Que Choisir. Dans un jugement du 10 février 2021, le tribunal de commerce de Paris condamne Google à verser plus d’un million d’euros à la société O. pour abus de position dominante ayant entrainé un préjudice direct pour la société O. du fait d’une interruption d’activité et de la perte de marge qui en a résulté, et ce quelque soit la période analysée. Sur la période d’octobre 2018 à mars 2019, Google a justifié les interruptions sous forme d’avis se réfèrant à un non-respect des règles Google Ads. Le tribunal constate que ces avis sont opaques, ne proposent aucune autre explication sur le grief et sont pour la plupart, en grande partie rédigée en une langue étrangère qui se révèle être la langue catalane. Aucune explication n’a pu être obtenue par la société O. auprès de Google. Pour la période de mars 2019 à mars 2020, Google a modifié les règles lui permettant d’interrompre son service de publicité pour certains annonceurs. Le tribunal relève que l’application de ces règles a conservé son caractère opaque et discriminatoire. C’est pourquoi il en arrive aux mêmes conclusions. Pour la période à partir du 31 mars 2020, le tribunal constate que le refus de vente aux sociétés de renseignement téléphonique n’est justifié par Google que par de prétendues plaintes de consommateurs, mais que Google n’apporte aucun élément probant sur ce point. Cette règle est donc injustifiée et inéquitable. En outre, contrairement aux allégations de Google, les sociétés de renseignement téléphonique 118 sont soumises à l’agrément de I’Arcep qui exerce un contrôle sur leur activité. La protection du consommateur est donc assurée par un organisme officiel de contrôle de cette profession et ne peut être utilisée pour justifier une règle d’éviction. Par ailleurs, le tribunal constate que la mise en place de cette nouvelle règle est concomitante au développement d’un service de Google qu’elle vend à d’autres clients annonceurs : Google offre un service identique à celui de la société O. Elle a un intérêt évident à éliminer toutes sociétés permettant une mise en contact téléphonique qui deviennent concurrentes à ses propres produits. La mise en place de cette règle doit donc être considérée comme une manœuvre anticoncurrentielle. Le tribunal dit qu’en édictant une nouvelle règle interdisant l’accès à ses prestations de publicité en ligne, Google s’est montré coupable de pratique anticoncurrentielle par abus de position dominante et qu’elle a commis une faute en suspendant pour la société O. le service Google Ads à partir du 31 mars 2020.