La production de "preuves pertinentes", au sens du droit de l’Union, recouvre les documents qu’une partie peut être amenée à créer par l’agrégation ou la classification d’informations, de connaissances ou de données en sa possession.Dans le cadre d'une affaire d'entente entre quinze fabricants internationaux de camions, le tribunal de commerce n° 7 de Barcelone (Espagne) a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) si, conformément à la directive 2014/104 du 26 novembre 2014, la production de preuves pertinentes en la possession de la partie défenderesse ou d’un tiers portait uniquement sur les documents en leur possession qui existent déjà ou également sur ceux que la partie à laquelle la demande de production de preuves est adressée devrait créer ex novo, en agrégeant ou en classant desinformations, des connaissances ou des données en sa possession. Dans un arrêt rendu le 10 novembre 2022 (affaire C-163/21), la CJUE indique que la production de "preuves pertinentes" vise également ce dernier cas de figure, sous réserve du respect de l’obligation des juridictions nationales saisies de limiter la production de preuves à ce qui est pertinent, proportionné et nécessaire, en tenant compte des intérêts légitimes et des droits fondamentaux de cette partie. Etant donné que le terme "preuves" visé dans ladite directive concerne "tous les moyens de preuve admissibles devant la juridiction nationale saisie, en particulier les documents et tous les autres éléments contenant des informations, quel qu’en soit le support", il ne s'agit pas nécessairement de "documents" préexistants. La Cour ajoute qu'afin de faciliter la possibilité, pour la sphère privée, de concourir à l’objectif de plein respect du droit de la concurrence, il était nécessaire au législateur de mettre en œuvre des outils de nature à remédier à l’asymétrie de l’information entre les parties puisque, par définition, l’auteur de l’infraction sait ce qui lui a été reproché et connaît les preuves qui ont pu servir pour démontrer sa participation à un comportement anticoncurrentiel, alors que la victime du préjudice causé par ce comportement n’en dispose pas. Enfin, la Cour ajoute que le législateur de l’Union a instauré un mécanisme de mise en balance des intérêts en présence, sous le contrôle strict des juridictions nationales saisies. Il revient à ces juridictions d’apprécier si la demande de production de preuves réalisée ex novo à partir d’éléments de preuve préexistants en la possession du défendeur ou d’un tiers risque, compte tenu, par exemple, de son caractère excessif ou trop général, de faire peser une charge disproportionnée sur la partie défenderesse ou le tiers concerné, qu’il s’agisse du coût ou de la charge de travail que cette demande occasionnerait.